Cette phrase sur les agents de footballeurs, lourde de sens, résume la pensée de Mathieu Salamand. Ancien espoir de l’Olympique Lyonnais, membre de la génération 1991 en compagnie des Alexandre Lacazette et Clément Grenier, ce milieu de terrain a évolué un peu partout, du FC Thun ou FC Biel-Bienne (Suisse) en passant même par les USA et l’équipe de Charlotte.
Opéré des ligaments croisés puis de retour en CFA2 avec Bayonne, le jeune homme de 26 ans s’est aujourd’hui installé dans la banlieue lyonnaise, d’où il est originaire. En attendant de retrouver un challenge durant l’hiver, il a saisi l’opportunité de travailler en CDI au Nike Factory Store, dans un centre commercial proche de Lyon, tout en prenant une licence au club de l’US Meyzieu.
Quel regarde porte-t-il sur ses relations avec les agents de footballeurs ? A-t-il des regrets ? Quels sont ses conseils pour les plus jeunes joueurs ? Pour agentfootball.fr, il se confie. Sans langue de bois.
Avec du recul, quel regard portez-vous sur votre relation avec les agents de footballeurs?
« J’ai eu du bon et du moins bon mais, pour dire la vérité, plus de moins bon. Ca ne m’a pas forcément aidé plus que ça, je me suis rendu compte qu’il y avait différentes facettes chez les agents, qu’ils sont surtout là dans les bons moments mais absents dans les mauvais. Je suis tombé sur des agents qui avaient aussi beaucoup de joueurs, je n’étais pas forcément la priorité. Et quand tu n’es pas la priorité d’un agent, eh bien tu es un petit peu délaissé ».
Avez-vous quelques exemples en tête ?
« Oui, j’ai dû mettre deux fois un terme à mon contrat avec des agents de footballeurs La première fois, c’était avec un agent que j’avais depuis longtemps, et qui m’avait emmené en Suisse. J’avais un contrat au club avec un système de paliers à franchir en fonction du nombre de matches. J’avais franchi ces paliers et, au moment de renégocier le contrat, je me retrouve avec quasiment aucune revalorisation salariale si ce n’est le paiement d’une partie de mon appartement.
C’était un contrat de trois ans, je ne trouvais pas ça normal alors que j’étais un des meilleurs de l’équipe en termes de passes décisives et de buts. Je pensais mériter mieux, mais l’agent préférait que j’accepte ça. Il entretenait de bonnes relations avec le club, peut-être que ça jouait. Moi, j’étais têtu, je ne voulais pas. Un autre agent, un peu plus influent en Suisse, me courtisait. Il était de mon avis, et j’ai donc résilié avec le premier pour rejoindre l’autre ».
« Je me suis dit qu’il valait mieux arrêter de signer des contrats avec des agents, mais plutôt signer des mandats à ceux qui m’apportent vraiment quelque chose sur le moment. »
Que s’est-il alors passé?
« Il était plus présent dans les médias, il avait les meilleurs joueurs du championnat suisse, faisait des transferts en Europe… Mais il ne m’a pas forcément apporté plus que ça. Il me félicitait dans les bons moments mais, dans les mauvais, il n’y avait plus personne. Avec lui aussi, j’ai donc mis un terme au contrat car il ne m’était pas utile et en plus ça me bloquait.
D’autres agents m’appelaient, me proposaient à droite à gauche, voulaient des mandats. Mais ça bloquait car j’étais sous contrat avec un agent. C’est là que je me suis dit qu’il valait mieux arrêter de signer des contrats avec des agents, mais plutôt signer des mandats à ceux qui m’apportent vraiment quelque chose sur le moment ».
L’envers du décor n’est donc pas forcément rose…
« Non, et puis il y a d’autres choses aussi ! Les agents qui viennent t’accoster sur Facebook : “j’ai vu ton parcours, je peux te proposer ci, ça”. Au final, ils ne reviennent jamais vers toi, ou alors avec des plans pour t’envoyer au casse-pipe. J’ai eu des propositions en Andorre, Islande, les pays de l’Est etc. Le jeu n’en vaut pas la chandelle dans la mesure où, quand ça tourne mal, tu n’es pas sûr d’être payé. Célibataire, je serais parti. Mais je suis marié depuis bientôt trois ans. Je ne voulais pas partir à deux dans la galère, infliger ça à ma femme ».
« Il ne faut pas s’engager avec quelqu’un que tu as vu une fois en rendez-vous, qui t’a passé de la pommade pendant une heure, qui t’a sorti tout son carnet d’adresses. »
Avez-vous tout de même retenu des expériences positives avec des agents de footballeurs ?
« Oui, il y a eu ce passage aux USA. C’était un rêve que j’avais depuis un moment. J’ai discuté avec un agent américain pendant un an et, un été, l’occasion s’est présentée. J’étais en Caroline du Nord, à Charlotte (deuxième division), pendant trois mois. Après, avec les quotas d’étrangers, c’est difficile de rester. Mais cet agent m’appelait tous les deux jours, on avait une bonne entente, il prenait le temps de m’expliquer ses rendez-vous, etc. C’était une bonne expérience ».
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes joueurs actuels ?
« Tous les jeunes joueurs ont l’idée de l’agent idéal qui est le grand frère, qui appelle tous les jours, qui amène trois nouveaux clubs chaque semaine. Mais ce n’est pas ça. Certes, si tu es un jeune talent qui fait des grands matches et qui est exposé, l’agent sera aux petits soins pour toi. Mais le jour où tu seras blessé, où tu seras moins bien, où un autre joueur sera sur le devant de la scène, alors les appels vont vite diminuer. Il faut toujours garder une chose en tête : ce n’est pas l’agent qui fait le joueur, mais bien le joueur qui fait l’agent ! Les agents cherchent le profit, la lumière. Ils vont là où il y en a, ça fait partie du jeu.
Moi, si c’était à refaire, je chercherais à avoir un agent qui serait limite un ami. L’idéal, c’est de connaître un agent et avoir une bonne relation de confiance. Il ne faut pas s’engager avec quelqu’un que tu as vu une fois en rendez-vous, qui t’a passé de la pommade pendant une heure, qui t’a sorti tout son carnet d’adresses. Il faut un agent qui est là au quotidien, qui a 5-6 joueurs, et qui prend du temps pour toi dans tous les moments ».
Au fil de l’entretien, on vous sent presque dégouté par les agents de footballeurs…
« Franchement, oui, certains agents m’ont dégoûté, je n’ai pas honte de le dire. Tout ça a joué sur ma carrière, sur mes choix. J’étais jeune, je n’avais pas d’exemples autour de moi, j’ai fait des mauvais choix. Le contrat en Suisse, avec le recul, je me dis que j’aurais peut-être dû le signer. Au lieu de ça, j’ai écouté les belles paroles. Je n’ai pas de bons souvenirs en tout cas. Mais il ne faut pas regretter, j’ai vécu des bons et des mauvais moments. Mais tout ça m’a fait grandir ».
Agentfootball.fr remercie chaleureusement Mathieu Salamand d’avoir pris le temps de nous éclairer sur les relations qu’il a entretenues avec les agents de footballeurs, pour le meilleur et pour le pire.