Vous n’avez pas pu passer à côté de l’info : les Britanniques se sont prononcés en faveur d’une sortie de l’Union européenne, le fameux Brexit, dans la nuit de jeudi à vendredi. Ce vote aura-t-il vraiment des conséquences sur l’attractivité économique et sportive de la Premier League, comme le laissent craindre les spécialistes depuis plusieurs heures ?
Depuis l’annonce du vote, les hypothèses se multiplient : la sortie de l’UE va entraîner une baisse conséquente du pouvoir d’achat des Britanniques, mais aussi l’impossibilité pour les joueurs européens, donc les Français, de rejoindre le championnat anglais. N’allons pas trop vite : pour que ce scénario catastrophe se produise, il faudrait que l’Angleterre coupe tous ses liens avec l’Europe. Or il est plus probable, et même quasi-certain, qu’elle trouve un accord ou intègre l’AELE (Association Européenne de Libre-Échange), dont font partie la Suisse et la Norvège par exemple.
Sans compter sur les règles particulières que dicte l’UEFA, les droits télé exorbitants ou les accords que trouveront la fédération et la ligue de football anglaises pour ne pas perdre en attractivité.
Rassurez-vous, le tremblement de terre annoncé n’est pas pour tout de suite. Agentfootball.fr fait le point sur la situation.
1 – L’économie du foot français mis à mal ? Pas tout de suite …
C’est la première conséquence de l’annonce du Brexit : avant midi, les bourses étaient en chute libre, la livre sterling a pris la même courbe. En foot comme ailleurs, cela se traduit par un pouvoir d’achat en baisse dans tous les domaines sur le sol britannique. Conséquences : le championnat le plus riche d’Europe ne va plus pouvoir proposer des sommes astronomiques pour faire signer des joueurs étrangers.
Or, en achetant des joueurs à prix d’or, rappelons que la Premier League entretient l’économie du foot français. Quelques exemples :
- Martial (Monaco) : 60 millions d’euros + 20 de bonus
- Eden Hazard (Lille) : 40 millions d’euros
- Thauvin (Marseille) : 17 millions d’euros
- Dimitri Payet (Marseille) : 15 millions
- Olivier Giroud (Montpellier) : 12 millions
A Lille par exemple, le cas d’Eden Hazard, vendu 40 millions d’euros à Chelsea, est une illustration parfaite. Une somme tellement énorme que le Losc a pu reverser une prime d’intéressement à tous ses salariés (10 000€).
Pour poursuivre sur l’exemple lillois, Sofiane Boufal, convoité par Tottenham, pourrait-il être recruté à plus de 20 millions d’euros après le Brexit ? Avant trois ans, oui, sans souci, cela ne changera rien si les droits TV sont effectivement versés (6,92 milliards d’euros pour 2016-2019).
Après 2019, il faudra voir où en sont ces droits qui permettent aux clubs anglais de vivre aujourd’hui comme des rois. Mais la Premier League, qui a opté pour une stratégie d’ouverture globale, pourra toujours continuer à s’offrir les stars dont elle rêve. Seuls les joueurs moyens pourraient être touchés par une chute de l’économie anglaise.
2 – Sortie de l’UE mais pas pour les footballeurs
Depuis l’arrêt Bosman, qui a fêté ses 20 ans en 2015, les joueurs européens peuvent jouer sans permis de travail dans les équipes anglaises. En théorie, un club de Premier League peut aligner 11 joueurs étrangers, s’ils sont européens.
Pour jouer en Angleterre, les joueurs européens seraient désormais soumis aux mêmes contraintes que les hors-UE, à savoir :
- être parmi les 50 meilleures nations du foot pour obtenir un permis de travail ;
- pour les 50 premiers pays (dont la France), être international. Cela poserait donc problème, à ce jour, à 122 des 168 joueurs européens de Premier League, selon une estimation de la BBC, dont de nombreux joueurs français ;
- il faut aussi jouer avec régularité pour son équipe nationale. Pour les nations classées entre la 11e et la 20e du classement Fifa (comme la France, 17e), un joueur doit avoir disputé 45% des matches au cours des deux dernières années. Ce qui n’était pas le cas de N’Golo Kante avant l’Euro, par exemple.
Sauf que cette hypothèse qui inquiète le foot européens, entre autres, n’est pas vraiment une menace à l’heure actuelle. Deux raisons à cela :
- il faudrait que le Royaume-Uni décide de quitter l’AELE (Association Européenne de Libre-Échange) ;
- l’UEFA toute-puissante définit elle-même ses frontières, comme en atteste la présence de la Turquie et la Russie à l’Euro. Les joueurs turcs et serbes, par exemple, ne sont plus considérés comme des extra-communautaires depuis deux ans ;
Sur RTL, Vincent Chaudel, économiste du sport, expliquait : « A moyen terme, le football anglais n’a aucune envie de se priver de très bons joueurs qu’il a la capacité d’acheter. Du coup, je pense que rapidement il va y avoir des discussions entre la Fédération et la Ligue pour aménager les règlements et les quotas permettant aux clubs anglais d’avoir des joueurs européens, français notamment ».
3 – Un plus pour la formation anglaise, donc pour la Premier League ?
Malgré les conséquences redoutées, certaines personnalités se sont tout de même prononcées en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. C’est le cas de Sol Campbell, par exemple, l’ancien joueur d’Arsenal, qui estime que le Brexit pourrait permettre de favoriser la formation anglaise. « Nous avons des équipes remplies de joueurs étrangers médiocres, en particulier européens, qui évincent les jeunes talents anglais ou britanniques », a-t-il expliqué dans les colonnes du Mail on Sunday. Une situation causée, selon Sol Campbell, par le principe européen de « libre circulation des personnes ». Là encore, ce n’est pas pour tout de suite. Et ce n’est ni dans l’intérêt, ni dans les projets de la Premier League de s’enfermer de telle sorte.