Jeune diplômé en temps de Covid-19, ce n’est pas une vie facile. Nicolas Falaschi vient d’obtenir sa licence d’agent FFF au mois d’octobre. Le voilà jeté dans le grand bain. Au cours d’une saison très particulière, où se mêlent difficultés financières des clubs et institutions, fiasco de la Super Ligue et gros doutes pour l’avenir des joueurs. Dans ces cas-là, par où commencer ? Le jeune agent, basé dans le sud de la France, nous raconte sa vision du métier, ses premiers pas et dévoile ses ambitions. En toute sérénité.
Thibaud Vézirian. Félicitations Nicolas ! Vous voilà agent FFF, j’imagine que c’est un soulagement ?
Nicolas Falaschi. Exactement, merci ! Je n’avais pas envie d’exercer un métier forcément en lien avec mon master en droit des affaires. Mais je voulais allier mes connaissances juridiques acquises pendant mon cursus et ma passion. Le métier d’agent est ressorti naturellement. Donc j’ai intégré l’école des agents de joueurs de football (EAJF). Ça a été une année de révision très intense, encore plus compliquée que mes examens de droit. C’est une épreuve vraiment généraliste, ce n’est pas facile de cibler les connaissances prioritaires. Et comme l’examen de mars 2020 a été repoussé à septembre, ça a rallongé le cauchemar des révisions… !
Certains jeunes agents débutent dans le métier grâce à l’aide d’un « mentor », expérimenté et dont le réseau facilite l’intégration dans le milieu. C’est votre cas ?
N.F. Pas du tout. Je travaille avec un scout, qui supervise beaucoup de joueurs dans le sud-ouest, et avec mon frère, qui fait la même chose dans le sud-est. Ils ont commencé ce travail en amont, en attendant que j’obtienne la licence d’agent. Grâce à eux, j’ai des yeux dans ces régions-là. Le réseau, c’est à nous de nous le construire progressivement. On mise sur des profils de jeunes joueurs à fort potentiel, en centre de formation ou N1/N2/N3, des championnats tremplins. On veut se faire notre place petit à petit grâce aux performances de nos joueurs. Cela attirera forcément le regard de clubs.
En cette période, il est de toute façon difficile d’obtenir des rendez-vous dans les clubs pour se faire connaître.
N.F. Les dirigeants du monde professionnel sont concentrés sur le sauvetage de leur club, ils essayent de sortir du flou général. J’estime que l’on n’a pas encore la légitimité pour frapper aux portes de ces grands dirigeants. Faisons nos gammes, d’abord. À nous d’avoir les épaules un peu plus solides pour arriver avec des prétentions et de la crédibilité. Chaque chose en son temps.
Quelles sont vos références professionnelles, vos modèles dans ce métier ?
N.F. Notre ligne directrice, c’est d’exercer ce métier de la façon la plus droite et la plus carrée possible. Je suis persuadé que c’est un métier qui peut être exercé de belle manière. Je veux casser l’image que le grand public se fait du métier d’agent. Mais en effet, c’est un milieu petit, de bouche à oreille, de réseau. Je suis conscient qu’il faut savoir s’entourer. Nous sommes totalement honnêtes et transparents avec les joueurs et leur entourage : je débute, je tisse ma toile et je travaille pour obtenir ma légitimité. Ils apprécient ma franchise.
Vous travaillez d’ores et déjà avec des joueurs ?
N.F. 3 joueurs sont sous mandat avec moi : un au centre de formation des Girondins de Bordeaux et un autre à Rodez, international français U16. Le troisième est un peu plus âgé, 18 ans, et on compte lui trouver un club tremplin, en N1, N2 ou N3. Il faut savoir parfois grimper les échelons petit à petit, à son rythme. Les joueurs n’évoluent pas tous de façon linéaire. Parallèlement, je travaille aussi sur des dossiers déjà engagés avant la Covid-19, car aujourd’hui, beaucoup de championnats sont à l’arrêt. Et je n’aime pas foncer à l’aveugle sur des joueurs « réputés bons ».
Comment ça se passe les semaines d’un jeune agent en période Covid-19 ?
N.F. J’ai couvert beaucoup de matchs lors de mes premières semaines d’exercice. Mais tout s’est arrêté et ça ne suffit pas. C’est un métier où il faut prendre son temps, développer son réseau, se poser, avoir les idées claires et beaucoup échanger. Donc pour l’instant, on se concentre sur les profils et les joueurs que l’on avait validé en amont. Tout se passe très bien.
« Respecter les envies des joueurs »
Quels sont les profils de joueurs que vous regardez particulièrement ?
N.F. On essaye d’avoir une vision globale, pas de poste spécifique. J’aime le football efficace, loin du football spectacle que l’on trouve sur YouTube ou les réseaux sociaux. Un milieu de terrain axial, défensif, j’aime quand il fait simple et efficace, quand il va vite vers l’avant, avec peu de touches de balle. Évidemment, on regarde aussi toutes les statistiques à notre disposition. Et le profil psychologique reste primordial. Il faut avoir de longues discussions avec le joueur et son entourage avant de s’engager. Être sur la même longueur d’ondes.
Ce serait quoi votre rêve d’agent ? Vous qui aimez l’OM, ce serait de conclure un transfert avec l’Olympique de Marseille ?
N.F. Réaliser un deal avec l’OM, ce serait magnifique bien sûr. Mais que ce soit Marseille ou un autre club, on ne cherche que le bien de nos joueurs. J’ai été fan de l’OM en tant qu’amateur de football, c’est vrai, mais aujourd’hui, j’ai une vision professionnelle. Aucun privilège de cœur. Je veux juste très bien faire mon travail, respecter les envies des joueurs, trouver le point de chute idéal pour mettre en valeur leurs caractéristiques.
Vous faites actuellement vos premiers pas dans le métier et dans le monde du football. Un football chahuté par des vents contraires, à l’image du fiasco de la Super Ligue : la jeune génération peut changer les choses ?
N.F. J’y crois. La nouvelle génération essaye de faire évoluer les mentalités. J’ai eu la chance, pendant mon année à l’EAJF, d’échanger avec beaucoup de jeunes agents : nous avons la même optique. Travailler le plus droitement possible. Et aller dans le sens de l’évolution du football. Quand le Président du Real Madrid, Florentino Perez, tente d’imposer la Super Ligue alors que la quasi-totalité des amateurs de football est déjà écœurée par le foot business, ça va à contresens de l’histoire. Le football est avant tout un sport avant d’être un business. C’est cette idée que je privilégie. Florentino Perez veut juste sauver son business. Le football post-Covid va attirer beaucoup de monde : les affluences seront maximum, il y aura une vraie effervescence. Les gens n’attendent que ça, vivre des émotions collectives, prendre du plaisir.
Ce sont de belles idées, mais on connaît la nature humaine. Plus il y a d’argent, plus ça attire les êtres humains.
N.F. On sait très bien que l’argent tourne les têtes, dans le football ou ailleurs. Avec le style de joueurs avec qui je travaille, je suis pour l’instant à l’abri de ces dangers. C’est une question d’état d’esprit aussi. J’ai déjà rencontré des entourages de joueurs qui privilégiaient l’aspect financier, je n’ai pas forcément donné suite. Il faut d’abord faire ses preuves sur le terrain, l’argent arrivera comme une récompense naturelle.
Zone technique
Nicolas Falaschi
Né le 2 février 1997, à Marseille
Agent FFF
Geste technique préféré : La roulette de Zidane, belle et efficace. Mais j’aime surtout les feintes de corps, la simplicité incarnée.
Idole de jeunesse : (il rigole) Ça va vous paraître bizarre… Cédric Carrasso ! C’était le gardien de l’OM quand j’ai commencé à aimer le football, c’est aussi mon poste quand je jouais… J’étais fou de lui et je ne saurais même pas expliqué pourquoi. Ça a toujours choqué tout le monde !
Ton match référence : Le match qui m’a fait aimer le foot, et en particulier l’OM, c’est un match retour de Coupe Intertoto en août 2005, l’OM bat le Deportivo La Corogne 5 buts à 1. C’est ce qui m’a fait vraiment aimer le foot !
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.