5 clubs et 20 ans de carrière au plus haut niveau. On pourrait croire que Jérôme Alonzo s’y connaît particulièrement en matière de transfert ou de prolongation de contrat. L’ancien gardien de but du PSG, de l’OM ou de Saint Étienne n’a pourtant connu qu’un seul agent et un seul mode de fonctionnement : confiance et sincérité. Discussion avec un ex-gardien virevoltant devenu consultant.
Thibaud Vézirian. Dans une interview donnée à France Football, le gardien de Chelsea, Edouard Mendy, raconte que « le milieu (du football) est comme ça. L’agent qui disparaît, qui met un plan à ses joueurs, les joueurs qui mettent des plans à des agents… ». Vous avez joué pendant 20 ans en professionnel, c’était déjà le cas ?
Jérôme Alonzo. Après un couac en début de carrière, j’ai eu ensuite un seul agent ! Henri Zambelli, comme moi ancien joueur de l’OGC Nice. C’était une relation à l’ancienne. Je ne me rappelle pas avoir signé le moindre contrat avec lui. Chose que l’on ne pourrait plus trop faire aujourd’hui. Il m’avait été présenté par un joueur, un ami en commun. Henri m’a donc toujours suivi : notamment mes 2 prolongations à Paris. Je me souviens d’un rendez-vous avec Vahid Halilhodzic pour ma prolongation, j’étais en pleine bourre au PSG. Et ça s’est déroulé comme d’habitude, en se serrant la main, pas besoin de tout verrouiller. Vahid nous avait fait une promesse, il n’y a pas eu d’avenant, rien. En totale confiance. J’essaye toujours de fonctionner comme ça.
C’est toujours possible de nos jours ?
J.A. J’essaye toujours de le faire. Mais c’est de moins en moins possible ! (rires) Quel que soit le métier. Aujourd’hui, le maçon te demande un devis signé… Toute la société a évolué comme ça. Mais j’ai cette faiblesse d’aimer serrer la main aux gens et de les regarder dans les yeux. Au-delà du terrain, si vous parlez de moi à des gens au sujet de ma carrière, il y a un mot qui ressortira : Loyal. Et ça colle tout à fait à ma relation avec mon agent Henri Zambelli.
« Waldemar Kita m’avait expliqué que je ne pouvais pas prétendre à une commission… »
Vous avez fait toute votre carrière en France, mais vous rêviez aussi d’Angleterre. Avec un autre agent, ça aurait pu être différent ? Vous pensez qu’un bon agent peut faire la carrière d’un joueur ?
J.A. Bien sûr. On ne peut pas trop prédire l’avenir, mais en effet, je rêvais d’Angleterre. Ça ne s’est pas fait parce qu’Henri Zambelli n’avait pas le club qu’il fallait, les connexions possibles au moment où j’en avais envie. Je me rappelle que pour mon transfert au FC Nantes, c’est Nantes qui m’a contacté en direct. Sans passer par mon agent. Waldemar Kita m’avait expliqué au téléphone que je ne pouvais pas prétendre à une commission d’agent parce qu’Henri n’avait rien à voir dans le transfert. J’ai répondu à monsieur Kita que si on ne traitait pas avec mon agent alors on ne ferait pas le transfert. Ça vous traduit un peu ma loyauté envers mon agent. L’argent qu’Henri a touché à ce moment-là, oui, j’aurais pu le toucher moi. Mais c’est une histoire d’hommes, avant tout.
Le métier d’agent ne vous a pourtant jamais attiré ?
J.A. Si j’ai un fils un jour et qu’il joue au football, je ne serai pas son agent… Je suis incapable de parler d’argent ! Incapable de négocier quoi que ce soit. Ça doit être pour ça que je me fais arnaquer d’ailleurs ! (rires) Je pourrais conseiller mon fils, je lui apprendrai à travailler avec loyauté, mais c’est tout.
« L’avenir est dans l’humain, la bienveillance »
Quels conseils donneriez-vous à un jeune agent ?
J.A. Être à l’écoute des parents du joueur ! Être proche de la famille. Agent, de nos jours, ce n’est plus uniquement du football. Il faut être au contact de la famille et du joueur quasiment en permanence. Devenir un peu un ami, un confident. Au départ, l’agent doit oublier le côté business. Je suis persuadé que l’avenir est dans l’humain. Nous sommes dans une ère business, mais comme toutes les modes, elle va se terminer et laisser à nouveau place à la « mode » de l’humain. J’ai l’intime conviction que l’avenir de ce métier d’agent, il est dans la relation humaine. La famille doit se sentir absolument en confiance avec l’agent. De la bienveillance, toujours. Et on va très vite revenir vers ça.
Ça paraît un peu utopique ou, tout du moins, assez loin de la réalité…
J.A. Le problème, c’est que quand on parle des agents aujourd’hui, on parle des stars : Mino Raiola, Jorge Mendes… Ce sont des agents qui traitent des dossiers, prennent des millions -et c’est très bien pour eux-, et leur vie n’a rien à voir avec celle d’un jeune agent. Un jeune agent ne débutera pas en s’occupant de Karim Benzema ou Kylian Mbappé. Il va devoir commencer avec des jeunes joueurs de National, N2 ou N3… Ce sont des contrats bien plus faibles, donc que faire pour gagner sa vie ? Du volume et s’occuper d’une dizaine de joueurs ? Le grand public ne connaît que quelques grands agents. Il y a trop peu de reportages sur les jeunes agents qui débutent. C’est pourtant un métier de fou, tu sillonnes la France, tu multiplies les rencontres pour pas un radis au début !
On parle souvent des dérives du football, donc des dérives de certains agents…
J.A. Je ne pense pas qu’il y ait eu de dérives des agents stars. Ce ne sont pas eux qui ont fixé les prix du marché. Ils s’adaptent ! Et s’ils font de l’argent avec, tant mieux pour eux. Humainement, je pense que je n’aurais jamais rien à voir avec Mino Raiola, mais force est de constater qu’il s’occupe de ses joueurs extrêmement bien. Et c’est ça qui compte, non ? Si j’avais eu une carrière à la Alphonse Aréola ou Keylor Navas, j’aurais adoré avoir Raiola ou Mendes avec moi. Il m’aurait fait gagner des millions. Et j’aurais été heureux qu’il en gagne lui aussi. Il se trouve que, malheureusement, ça n’a pas été le cas ! (rires) Mais je ne reproche rien à mon agent. Et je ne reproche surtout pas aux agents de bien gagner leur vie. Ils ne trichent pas. Les pourcentages sont fixés à l’avance. C’est le business. Il ne faut pas diaboliser leur métier.
Zone technique
Jérôme Alonzo
Né le 20 novembre 1972, à Menton (Alpes-Maritimes)
Consultant La Chaine L’Équipe et France Info
Ancien gardien de but de Nice, Marseille, Saint Étienne, PSG et Nantes
Geste technique préféré : Le ciseau retourné !
Idoles de jeunesse : André Agassi (tennisman) et Luis Arconada (gardien de but espagnol)
Ton match qui t’a le plus marqué : Dans mon histoire, ce qui m’a construit, c’est une défaite… Le France-Allemagne 1982.
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.