
Toute sa vie, il pourra se targuer d’avoir joué avec Andrea Pirlo, Frank Lampard ou David Villa, affronté Zlatan Ibrahimovic et Eden Hazard ou d’avoir été coaché par Patrick Vieira. Maxime Chanot va entamer sa 6e saison en MLS, le défenseur central luxembourgeois est devenu un taulier du New York City FC. Mais avant la MLS, il a vadrouillé, vécu des moments difficiles en Belgique, en France ou Angleterre, en Premier League… Parfois trimballé par des agents peu scrupuleux. Avec le recul, ils ne leur jettent pas la pierre.
Thibaud Vézirian. Vous qui avez énormément voyagé, changé de clubs, vécu des hauts et des bas, comment jugez-vous l’apport d’un agent dans une carrière ?
Maxime Chanot. C’est un peu paradoxal parce que mon avis sur la question a évolué tout au long de ma carrière. C’est très important pour un joueur de travailler avec quelqu’un de confiance. C’est la base. Rien que par rapport aux contacts, c’est capital. Quand on arrive dans le milieu professionnel, on est forcément perdu. C’est bien d’avoir quelqu’un pour démarcher pour toi, pour tout ce qui est juridique, etc. En tant que jeune joueur, tu n’as pas les connaissances. Mais en effet, j’ai un rapport un peu compliqué avec les agents de football, j’ai eu des expériences avec des gens qui pensent à eux plutôt qu’à la carrière du joueur.
Vous n’êtes peut-être pas tombé sur les bons agents. À quoi c’est dû ? Comment expliquez-vous ces mauvaises rencontres ?
M.C. C’est peut-être de la malchance, c’est peut-être parce que j’ai un caractère compliqué. Dans le relationnel, je ne suis pas forcément le meilleur. Un peu comme tous les joueurs, quand ça ne va pas trop, j’ai tendance à remettre la faute sur l’agent… Tu ne m’as pas trouvé ce club-ci ? Tu ne m’as pas trouvé ce club-là ? Parfois, il faut savoir être très lucide sur la situation. L’agent ne fait pas tout. Si t’es bon sur le terrain, tu pourras renégocier ou trouver un meilleur club.
Mais alors, face à un joueur de fort caractère, il faut parler cash ou pas ?
M.C. Clairement, oui ! En toute circonstance. Surtout dans un monde avec beaucoup de concurrence comme le foot, la finalité, c’est de savoir où est-ce que tu te trouves et d’avoir un bon entourage. L’agent doit être lucide et très honnête avec son joueur. C’est super important. Aujourd’hui, ma femme, avocate, gère mes intérêts. C’est plus simple.
« Ils verront que t’es motivé… »
Ce sont les désillusions qui vous ont fait vous méfier des agents ?
M.C. Je viens d’avoir 31 ans, j’ai désormais plus de recul. Mais j’ai signé très jeune en Premier League, à l’âge de 17 ans. 2 ans et demi là-bas, puis ensuite, 3 années compliquées en France. Des désillusions. Au Mans puis à Gueugnon en National. Ça a été dur et à la fois très instructif. Pendant cette période difficile, j’ai la chance de croiser un agent qui veut me proposer à Créteil. Je sors alors d’une saison plutôt correcte en National, j’ai 21 ans, Gueugnon vient de faire faillite. Il fallait rebondir. Créteil me veut, c’est un bon tremplin pour remonter rapidement en Ligue 2. Au fil des jours, le contrat qui m’attendait se transforme en essai. Il m’explique que je n’ai pas joué depuis un certain temps à cause de la faillite de Gueugnon et qu’il faut en passer par-là. Pas de problème. L’essai commence alors à se faire attendre…
Les clubs reprennent petit à petit et je ne vois rien venir. Je rappelle cet agent, il m’explique que la situation est plus compliquée que prévue. Tenez-vous bien, il a une solution : « Présente toi au centre d’entraînement, change toi, attends sur le côté et si jamais il y a un blessé, tu sautes la rambarde et t’es là ! Au moins, ils verront que t’es motivé… » (il rit) Venant d’un agent licencié, comment tu peux me sortir ça ?
« Représenté par 7 agents différents »
Il a suffi de cet événement pour qu’il y ait une rupture de confiance avec les agents ?
M.C. Je ne suis pas rancunier. Mais j’ai connu d’autres mésaventures. Un peu plus tard, j’ai reçu plusieurs offres de clubs en Europe. Un club m’appelle directement. Il me demande avec qui je travaille et m’annonce que j’ai été représenté par 7 agents différents ! J’ai compris plus tard qu’avec Internet et les bases de données, certains agents regardent les joueurs en fin de contrat, ils listent les noms, appellent tous les clubs en proposant pléthore de joueurs et si jamais un club mord à l’hameçon, l’agent essaye de rentrer en contact avec le joueur directement.
Vous arriviez en fin de contrat, donc vous représentiez une importunité pour beaucoup d’agents. C’est le système qui veut ça, non ?
M.C. Un système qui m’a fait connaître tout type d’aventures. Par exemple, un agent qui me fait signer en Angleterre puis ne donne plus signe de vie. Mais attention, certains ont très bien travaillé et m’ont permis d’avoir la carrière que j’ai aujourd’hui. Dans mon cas, j’ai été obligé d’expérimenter pour comprendre comment ça marche. Même si on entend très jeune qu’il faut faire attention…
Les agents t’ont quand même aidé, proposé à beaucoup de clubs et permis de rebondir au haut niveau. Comment s’est déroulée ton arrivée aux États-Unis ?
M.C. J’ai 14 ans de carrière professionnelle derrière moi… Et je pense qu’on m’a cité dans environ 130 clubs ! Donc oui, c’est sûr que j’ai été proposé partout. (il sourit) Finalement, je n’ai fait que 5-6 clubs (NDLR : 8, en réalité). Le City Group, propriétaire de New York City, recherchait un défenseur central pour Manchester City. Un des recruteurs de Manchester City a été superviser la zone Belgique-Hollandaise. Ils m’ont repéré comme ça… Tout a ensuite été très fluide. J’ai eu la chance que mon club belge (KV Courtrai) fasse l’effort de me libérer.
La crise Covid-19 impacte beaucoup la MLS. Il manque apparemment des accords pour démarrer la saison 2021. Sans les fans dans les stades, le soccer n’est plus rentable. L’incertitude est totale ?
M.C. On a des stades magnifiques, souvent pleins, avec des gens qui consomment beaucoup. Donc c’est une vraie perte pour les clubs de jouer à huis-clos. Reprendre sans fans, ce sera difficile. Peut-être qu’ils voudront commencer la saison le plus tard possible. C’est en discussion. Je suis ça de près mais ce n’est pas moi qui décide, c’est une situation compliquée. Je me contente de suivre les règles, notamment les contrôles Covid quotidiens avant chaque entraînement.
« Rien de mieux qu’une confiance absolue »
Malgré quelques expériences négatives avec des agents, quels conseils donneriez-vous aux plus jeunes ?
M.C. Je ne sais pas si j’ai la légitimité pour donner des conseils. Mais en tant que joueur, je conseillerais à un agent de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Rester focus sur 3-4 joueurs à suivre sur le long terme plutôt que faire des « one shot » en pagaille. Il n’y a rien de mieux entre le joueur et l’agent qu’une confiance absolue. Outre la fonction première -renégocier des contrats et/ou trouver des clubs à son joueur-, c’est un soutien de tous les jours dont a besoin de le joueur. Un agent, c’est une oreille à qui parler. Par expérience, tous les joueurs qui ont collaboré avec des grosses agences, avec 200 joueurs, ça marche très rarement.
Avec un encore meilleur agent, vous auriez fait une encore meilleure carrière ?
M.C. Je pense ! Un agent peut faire la différence. (il grimace) Encore une fois, il faut être lucide sur soi-même : Si j’avais été niveau Coupe du monde, je l’aurais jouée tous les 4 ans. J’ai eu cette carrière-là parce que j’avais ce niveau-là. Mais c’est vrai que tu peux voir la différence entre 2 agents.
Vous avez pourtant joué avec Pirlo, Lampard, Villa, côtoyé Vieira, affronté Zlatan ou Hazard… Alors, à votre avis, grand écart : être agent d’une star est plus dure qu’être l’agent de joueurs de divisions inférieures ?
M.C. Neymar ou Mbappé, tous les clubs les connaissent. En tant qu’agent, tu as juste à prendre ton téléphone… Personne ne va te refuser Neymar. C’est plus compliqué avec des joueurs moins connus : gros travail de prospection, d’étude des besoins, élargir son réseau. Ce sont 2 métiers différents. Mais c’est souvent en suivant des joueurs très jeunes, très bas, que ça permet aussi à un agent d’aller très haut. Ce n’est donc pas à négliger.
Zone technique
Maxime Chanot
Né le 21 novembre 1989, à Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Joueur du New York City FC (Major League Soccer)
Geste technique préféré : Le tacle ! C’est surprenant pour un défenseur ?
Idoles de jeunesse : Lilian Thuram et Patrick Vieira.
Ton match préféré : La finale de 1998, France-Brésil, c’est marquant pour ma génération. J’étais à Nancy… N’importe quel Français se souvient où il était ce soir-là. Et j’ai un deuxième match : c’est un ¼ de finale de Ligue des Champions 2003, entre Manchester United et le Real Madrid, avec un triplé de Ronaldo, un coup franc de Beckham, 4 buts à 3 !
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.