La MLS est son premier terrain de jeu. Il a aidé la grande ligue américaine à franchir des paliers et à attirer des stars. Aujourd’hui, Jérôme Meary nous reçoit dans ses bureaux de Boulogne Billancourt : l’agence Elite Athletes s’est bien développée. Aux États-Unis mais aussi en France. Elle permet désormais à beaucoup de jeunes joueurs recalés du monde professionnel de tenter leur chance dans les universités US. Elle représente aussi quelques jeunes talents du football, « un kif de les suivre jeune et de les voir monter tout en haut ». Chez les pros, Elite Athletes a participé à quelques gros coups : comme la venue de Danilo Pereira au Paris-Saint Germain au mois d’octobre, via la licence d’agent FFF d’Édouard Lacroix.
Thibaud Vézirian. C’est plus facile de réaliser le transfert d’un grand joueur, d’un international comme Danilo Pereira par exemple, ou d’un jeune joueur ?
Jérôme Meary. C’est incroyable mais les gros deals sont plus faciles que les petits deals ! (il rit) Complètement dingue. C’est la magie de ce business-là. Une fois que tu es un peu dans les grands deals, ça se fait beaucoup plus simplement. Il faut d’abord se montrer patient, se frayer un chemin, élargir son réseau, gagner la confiance.
« Giovinco, Drogba, Alessandrini et beaucoup d’autres »
Comment avez-vous démarré dans ce milieu ?
J.M. J’étais aux États-Unis, j’avais monté une structure pour signer pas mal de joueurs. La MLS m’a demandé de devenir salarié… J’ai refusé, j’avais déjà des collaborateurs. Ils ont donc embauché notre entreprise comme consultant de la MLS. On les a aidés à réaliser de gros transferts internationaux : Giovinco, Drogba, Alessandrini et beaucoup d’autres. Et à développer la ligue avec des concepts européens. On a donc rapidement réalisé un partenariat avec la FFF sur l’éducation des coachs et le développement de tous les centres de formation.
À deux doigts de boucler le transfert de Ronaldinho en MLS
Vous avez réalisé de grands transferts avec de fortes répercussions médiatiques. D’autres négociations se sont-elles moins bien déroulées ?
J.M. Une négociation a capoté mais nous a finalement rendu crédible. On représentait Ronaldinho, on n’était pas encore en contrat de 5 ans avec la MLS. Il était au Brésil, à Flamengo, il souhaitait partir, il n’était plus payé (NDLR : L’entreprise de marketing Traffic prenait en charge les ¾ de son salaire et avait arrêté les versements). On était en contact depuis le PSG… Nous voilà donc en train de négocier le plus gros deal de l’histoire de la MLS ! J’avais 24-25 ans. Ça a failli se faire ! Au tout dernier moment, Ronnie a refusé pour rester au Brésil. Il voulait avoir une chance de jouer la Coupe du monde au Brésil. Scolari, le sélectionneur, lui avait conseillé de rester pour avoir une chance de participer… Ce qui n’a pas été le cas… Les dirigeants de la MLS ont quand même été bluffés par ces négociations communes et on a travaillé ensemble.
« Pour Drogba, chose rare, Montréal a dû négocier les droits du joueur avec Chicago »
Didier Drogba à Montréal, ça a été difficile à réaliser ?
J.M. Il avait au départ une offre de Chicago. Et un fort intérêt de la part de Montréal. En MLS, c’est particulier : les équipes doivent poser une option sur un joueur. Une fois que c’est fait, les autres équipes ne peuvent plus négocier avec le joueur. Chicago possédait l’option. Montréal ne pouvait pas négocier. Didier, lui, était très chaud pour aller à L’Impact Montréal. Chelsea venait d’y aller avec Mourinho, et José lui en avait dit beaucoup de bien. On a dû employer les grands moyens pour essayer de faire une sorte de transfert d’options entre Chicago et Montréal. Ça ne se fait pas énormément. Montréal a dû payer à Chicago une partie de son salary cap pour pouvoir acquérir les droits de Didier Drogba. Une fois qu’ils ont eu les droits, ils pouvaient conclure le deal.
« La MLS va devenir une des plus belles ligues au monde »
Comment est perçue aujourd’hui la MLS ?
J.M. C’est quand même un marché très spécial. Avec d’énormes spécificités. Cette ligue fermée, le salary cap, les options sur les joueurs, les joueurs désignés, les joueurs semi-désignés. Il y a toujours des agents qui essayent de regarder, qui ne comprennent pas vraiment le système, qui se frustrent énormément. Ils ne comprennent pas le fonctionnement. Nous, on a de la chance d’être arrivé il y a 10 ans, d’avoir développé ce pont entre l’Europe et les US. On est de moins en moins seuls puisqu’il y a de plus en plus d’argent en MLS, de plus en plus d’agents. La MLS se structure avec des directeurs sportifs, des scouts partout dans le monde. Notre avance va donc logiquement diminuer avec le temps. La MLS va se développer et devenir vraiment une des plus belles ligues au monde. Moi, j’y crois. Avec la Coupe du monde 2026 en ligne de mire.
Paredes, Marquinhos, Di Maria, Fabio, Guimarães…
L’activité d’Elite Athletes est désormais plus orientée vers la France ?
J.M. Edouard Lacroix (agent licencié FFF) est focus sur la France. Et moi, je suis focus sur la MLS. Grâce à notre rôle en MLS, on a noué beaucoup de relations avec des agents du monde entier. Les agents nous font confiance pour finaliser des dossiers en France. Notamment la renégociation de Di Maria, Marquinhos, le transfert de Paredes au PSG, Fabio à Nantes, Bruno Guimarães à Lyon. Et dernièrement, on a donc travaillé avec l’agent de Danilo Pereira pour Paris. Il faut être agent FFF pour finaliser un transfert en France, donc certains utilisent juste notre licence, d’autres collaborent pour du juridique, de l’administratif, du financier, et ainsi de suite. Nous avons des rôles variés en fonction des dossiers.
FFF-USA, la passerelle dorée en cas d’échec
Beaucoup de jeunes joueurs ne deviennent pas professionnels. Vous avez donc mis en place une passerelle vers les universités américaines ?
J.M. Pour les jeunes agents qui veulent aider beaucoup de jeunes joueurs, c’est compliqué. Tous les joueurs ne passent pas professionnels. Nous, on leur paye de supers études universitaires et potentiellement, une arrivée en MLS. C’est une fabuleuse opportunité pour ces joueurs de 17-18 ans. Ça s’appelle FFF-USA. Si ils veulent continuer les études, se bouger un peu, on peut leur proposer une bourse sportive pour aller étudier dans les plus grandes universités américaines. Avec les stades pleins, les ambiances NCAA que vous connaissez. Et à la fin… Potentiellement… la draft en MLS.
« Nous travaillons avec la FIFA pour réguler le système »
Comment jugez-vous l’évolution du métier et que pensez-vous de cette année 2020, est-ce qu’elle va vraiment changer le monde du football ?
J.M. Ça aura une forte influence, dans le monde entier. Sur le mercato, sur les salaires… En MLS aussi, sans de gros droits TV, c’est dur. D’autant que l’on avait de beaux revenus grâce aux spectateurs dans les stades, c’était un carton… La plupart des clubs doivent s’accrocher.
Concernant le métier, on voit clairement qu’avec l’arrêt des licences, beaucoup de gens essayent de se mettre dans ce business. Ils n’ont pas de licence mais veulent toucher une part. Aujourd’hui, pour chaque joueur que je signe en MLS, je reçois des messages de 2, 3 ou 4 personnes pour me soutirer de l’argent. Parce que soi-disant, ils m’ont soufflé le nom du joueur par e-mail ou par texto… Ça n’arrivait pas trop avant. C’est un métier qui n’est pas facile du tout. Mais c’est en train de bouger. On a créé un syndicat des agents internationaux afin d’obtenir des heures de travail avec la FIFA pour réguler ça, régler ces soucis.
Le système français est donc le bon ?
J.M. Effectivement ! Il est bien. En MLS, c’est encore plus facile. Les commissions d’agents sont payées par la ligue directement, pas par les équipes. Les commissions d’agents rentrent contre le salary cap de chaque équipe, donc les équipes doivent faire très attention. Ca impacte énormément. C’est pour ça qu’on veut avancer avec la Fifa pour trouver des solutions là-dessus.
Quels conseils donneriez-vous aux agents qui se lancent dans le métier ?
J.M. Il n’y a que le travail qui paye. Il faut être sain dans son travail et ses connexions, se montrer patient, avoir de l’éthique. Aujourd’hui, le travail d’agent, on n’en vit pas les premières années. Sauf coups de chance. La plupart des agents commencent petitement à en vivre au bout de 3-4 ans et ils commencent à faire de beaux transferts et à en vivre vraiment au bout de 6-8 ans. Il faut surtout être patient, aussi pour éviter de se griller, les bénéfices n’arrivent que plus tard. C’est un petit milieu. Tout se sait vite.
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef. Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.