Sébastien Bellencontre nous ouvre les portes de son agence à Boulogne Billancourt. 30 minutes d’entretien programmé. Plus d’une heure finalement, tant il y a de choses à dire sur son métier et son évolution. Co-fondateur de l’agence de gestion d’image de sportifs 4Success, il poursuit son développement. De Blaise Matuidi à Amandine Henry, d’Adil Rami à Antoine Griezmann, sans oublier Pierre Gasly ou Mathieu Bastareaud, Sébastien Bellencontre connaît les grands sportifs dans leur intimité. Mais il garde toujours 3 priorités : l’humain, le conseil et la bienveillance.
Comment vous est venue l’idée de créer votre agence de gestion d’image des sportifs ?
S.B Je suis un sportif de haut niveau frustré ! J’ai joué au tennis à un niveau national, je n’ai pas réussi à passer le cap, mais mon rêve c’était de jouer à Roland Garros. Je me suis dit assez tôt que j’avais envie de rester dans l’univers du sport. Comment aider les sportifs, avec mes compétences et mon expérience ? C’était l’idée de départ. J’ai donc intégré un grand équipementier. Et j’ai vu le film Jerry Maguire avec Tom Cruise (NDLR : Tom Cruise joue le rôle d’un agent de stars du sport américain). Ce jour-là, je me suis dit : c’est ce métier que je veux faire et je veux le faire comme lui le fait ! Avec ces valeurs-là. Ça m’a vachement parlé. Oui, on voit la perf’ d’un athlète, oui, on regarde le potentiel, mais avant ça, on voit avant tout l’humain. Mon expérience chez Adidas m’a bien aidé en termes de réseau… Et je me suis lancé en 2012.
« Certains agents n’ont pas la perception de ce que tu peux apporter »
Comment se passe le métier d’agent d’image vis à vis des agents sportifs ?
S.B C’est simple, c’est lié à la personne, pas au statut. C’est une histoire d’hommes. Il y a des agents sportifs avec lesquels tu ne travailleras malheureusement pas, ou mal. Ils n’ont pas forcément la valeur, la perception de ce que tu peux apporter. Mais aujourd’hui, beaucoup ont compris l’utilité de nos compétences. Surtout à l’heure de la surmédiatisation. Je ne me suis jamais fait avoir par un sportif. Un agent, oui. Un agent lyonnais, qui avait un de mes premiers clients, m’a menacé de mort. Il a menacé mes parents au téléphone, c’est allé loin. On a arrêté de travailler avec le sportif en question, même si je suis resté très ami. Mais je ne conçois pas une relation de travail comme ça. Impossible. Ce genre de personnes ne font pas du bien à la profession.
« L’agent sportif doit avoir un rôle de deuxième papa »
Qu’est-ce que vous attendez d’un agent sportif ?
S.B La bienveillance ! Indispensable. Quand tu confies un gamin de 15-16 ans à quelqu’un que tu ne connais pas, tu dois l’accompagner avec la plus grande des bienveillances. Il doit avoir un rôle de deuxième papa. Et l’autre qualité primordiale, c’est de ne jamais faire passer ses propres intérêts avant ceux de ton client. J’ai trop vu de joueurs qui se retrouvaient à aller dans un club alors qu’ils ne voulaient pas y jouer. Mais les intérêts étaient très intéressants…
À quoi ressemblent vos journées de travail ? Et finalement, quelle est la finalité de votre métier d’agent d’image ?
S.B Mon métier, c’est de permettre aux sportifs de haut niveau d’optimiser tout ce qui est lié au hors terrain. C’est d’être plus à l’aise avec la communication au sens très large. Certains sportifs peuvent être très mal à l’aise avec les médias. Il faut les rassurer, leur donner des tips, établir des objectifs de communication à moyen ou long terme. L’accompagnement sur les réseaux sociaux est désormais capital. On les aide à écrire une vraie stratégie de communication, à se positionner comme il faut par rapport à leur caractère, à leur personnalité. Notre objectif ultime avec nos clients, c’est de savoir ensemble vers quoi il va se tourner après sa carrière. A savoir que la retraite, c’est souvent une petite mort pour de nombreux sportifs. On doit comprendre comment fonctionnent les gens. Je dois savoir comment mon client réagit à telle situation. Beaucoup de psychologie. Je vais par ailleurs faire une formation de préparateur mental pour pousser le truc jusqu’au bout.
« BBC Management, avec Jérôme Rothen et Benjamin Ettori »
Il vous faut donc une grande proximité avec l’agent sportif pour mieux guider vos clients ?
S.B. Ça aide. D’ailleurs, on peut l’annoncer : 4Success Group accueille dès à présent notre agence de gestion de carrière : BBC Management.
Avec mes associés Farid Boumkais et Marc Cornier, on sera accompagné de Jérôme Rothen, en tant que conseiller, et Benjamin Ettori, neveu de Jean-Luc, en tant qu’agent licencié. On le fait parce qu’on a envie d’amener une brique supplémentaire à nos clients. Et dans l’idéal, on aimerait accompagner des jeunes, à qui on apprendra les ficelles du métier, à qui on évitera les pièges. Mais surtout : les intérêts du client passent avant les nôtres ! L’objectif n’est pas du tout d’avoir une grosse écurie. On fait de l’humain.
« Antoine Griezmann, celui qu’on a le plus aidé »
Vous avez accompagné Antoine Griezmann jusqu’en 2017. Pourquoi ça n’a pas duré ?
S.B. Il avait la qualité et le défaut de ne vouloir s’entourer que de gens très proches. Ce qui est encore son cas aujourd’hui. C’est d’ailleurs pour ça que l’on ne travaille plus ensemble, je ne m’entendais pas avec sa sœur. Nous n’avions pas les mêmes valeurs, ni la même vision des choses. C’est pour ça que j’ai arrêté. Mais Antoine, c’est sûrement celui que j’ai le plus aidé. Je l’ai aidé à se structurer, à se professionnaliser. Le fruit de nombreuses et longues discussions, parfois avec son papa. On parle souvent d’Eric Ohlats, son mentor. Oui, il a une personnalité très forte, il n’est pas facile à manœuvrer mais il a été formidablement bienveillant avec Antoine. Avec Eric, on a bien aidé Antoine à grandir, à comprendre le milieu.
Quand je lui ai proposé un premier contrat avec une marque de sport, Antoine n’était pas du tout la star qu’il est aujourd’hui. Je l’ai aidé à franchir les étapes. Notre séparation s’est super bien passée et on reste en très bonne relation. Zéro amertume. Pour info, je ne travaillais plus avec Antoine au moment de « La Décision » (NDLR : en 2018, Antoine Griezmann avait révélé sa volonté de rester à Madrid en diffusant un documentaire). Un mauvais choix stratégique. Je lui aurais conseillé de ne pas le faire comme ça. La manière et le moment n’étaient pas adéquates. Ils ont mal mesuré les risques. À l’inverse, il a été récemment très bon, très réactif concernant la polémique Huawei (NDLR : La marque chinoise aurait participé à la répression des Ouighours en Chine). Quand j’ai découvert cette affaire, j’ai eu un seum incroyable d’avoir signé le partenariat d’Antoine avec cette marque à l’époque, parce que je voulais développer sa notoriété en Asie.
« Continuer à faire vivre le nom de Blaise Matuidi en France »
Comment ça se passe pour devenir le conseiller en image d’un joueur ? Blaise Matuidi est votre client, ça a démarré comment ?
S.B. Avant l’Euro 2016, le frère de Blaise rentre dans mon bureau et me dit qu’ils ont vu ce que je faisais avec Antoine Griezmann. Ils trouvent ça super. Je leur ai dit ok, mais il faut pouvoir jauger de la fiabilité des joueurs avant de travailler avec eux. Donc j’ai dit à son frère : s’il veut qu’on travaille ensemble, j’aimerais que ce soit lui qui vienne me le dire. Blaise était là le lendemain ! Bon, avec 1 heure de retard, comme d’habitude (rires), mais il était là. L’objectif était donc de développer le nom Matuidi, de monétiser un peu son image. La confiance s’est installée. Aujourd’hui, il a fait le choix de partir aux Etats-Unis, c’est une expérience de vie. Sportive, humaine, familiale. D’un point de vue marketing, communication, l’idée est donc de valoriser son nom, rester visible, continuer à faire vivre le nom Blaise Matuidi en France. Ce qui est top dans ce métier, c’est que les objectifs sont très propres à chaque individu.
« Amandine Henry devait se sentir à l’aise pour parler de ce sujet délicat »
Vous travaillez aussi avec plusieurs joueuses, dont Amandine Henry. Comment ça se passe quand on doit gérer les tensions avec la sélectionneuse Corinne Diacre ?
S.B. Notre rôle s’arrête au conseil. Ce genre de situation part d’un souhait personnel. Au départ, Farid (Boumkais) et moi-même, honnêtement, on n’était pas hyper favorable à ce qu’elle prenne la parole publiquement (sur Canal+). Mais ça faisait longtemps qu’elle voulait le faire. Ça lui trotte dans la tête. Ça traine… C’est quelque chose qui ne sort pas. Ce qui a fait que son discours a eu une portée, c’est qu’elle a été très sincère. Ça se voyait. Et parce que c’est du vécu. On est tous d’accord que porter le maillot de ton équipe nationale, entendre la Marseillaise, c’est le graal. Tu ne forces pas un athlète à aller en Équipe de France, il y va en courant normalement. Elle, et ce n’est pas la seule, comme une grande partie des joueuses, elle a la boule au ventre quand elle sait qu’elle va se rendre à Clairefontaine… C’est ce qu’elle nous a retranscrit.
Alors on lui a dit, ok, tu as envie de dire les choses, on va t’aider. Mais attention à bien identifier ton objectif, le fond, la forme. C’est bien de dire les choses mais il faut qu’il y ait un but. En termes de travail, il y a eu 2 à 3 jours pleins. On a été chez elle, on a bossé et on a décidé que l’interview se déroulerait chez elle. On ne laisse pas de place au hasard. Il fallait qu’elle se sente à l’aise pour parler de ce sujet délicat. Hors de question que ça se passe à l’OL. Il fallait dissocier l’OL et la Fédération. Elle souhaitait prendre ses responsabilités. On savait qu’elle pouvait potentiellement dire adieu aux Bleues après cette interview. Mais à partir du moment où l’athlète veut y aller, on l’accompagne jusqu’au bout et on œuvre pour minimiser les risques. Elle nous l’a dit : « Malheureusement, aujourd’hui, j’en suis à un point où je suis prête à prendre ce risque, ne plus jamais rejouer en Équipe de France ». On a essayé de faire passer les bons messages et de limiter la casse.
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.