Ousmane Sall revient de Marseille, où il a rencontré le directeur sportif olympien Pablo Longoria. Un rendez-vous d’affaires important pour ce jeune agent qui franchit les étapes une par une, bien guidé par Patrick « Touti » Mendy. Première partie d’interview réalisée dans le TGV, puis depuis son bureau parisien. Télétravail oblige.
Thibaud Vézirian. Vous étiez banquier d’affaires pendant 10 ans, comment vous est venue l’idée de devenir agent de joueurs ?
Ousmane Sall. Je connaissais déjà pas mal d’agents, avec qui on parlait football sans cesse. Le foot, ça a toujours été ma grande passion, je joue d’ailleurs régulièrement depuis tout petit. J’ai passé une première fois la licence d’agent, fin 2016. Je l’ai ratée d’1/2 point ! Grosse frustration, mais je n’ai pas lâché. Après beaucoup beaucoup de travail, de longues nuits, des mois d’acharnement… J’ai finalement obtenu ma licence.
« Pour obtenir sa licence, il faut adopter la bonne méthode de travail »
Qu’est-ce que vous conseilleriez à tous ceux qui veulent réussir à cet examen ?
O.S. Avoir de bonnes méthodes de travail, de la rigueur. J’ai un ami qui l’a passée 3 fois, qui l’a ratée 3 fois. On doit adopter une façon particulière de travailler. C’est un examen qui demande du par cœur, même si toutes les choses ne servent pas forcément par la suite. Peu importe. Il faut tout connaître sur le bout des doigts. Mais c’est sûr que mon expérience de banquier m’a aidé en droit fiscal notamment.
« Pablo Longoria, un des meilleurs directeurs sportifs en France »
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en arrivant dans ce milieu ?
O.S. La concurrence ! Rapidement, je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup plus d’agents et d’intermédiaires que de joueurs. Par rapport à avant, où 15 agents se partageaient la Ligue 1, aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir.
Vous revenez de Marseille, un rendez-vous avec le directeur sportif Pablo Longoria. À quel sujet ?
O.S. Je viens en effet de rencontrer Pablo Longoria, pour moi un des meilleurs directeurs sportifs en France. Pas parce qu’il bosse à Marseille, mon club de cœur ! (il rit) Mais c’est quelqu’un qui a une légitimité. Il sait déceler le potentiel des jeunes joueurs. Dans le football moderne, le trading est la mode du moment. Acheter des joueurs à bas prix et les revendre. Lui sait faire. Il a été recruteur dès l’âge de 18 ans.
Je l’ai connu à Valence, il est passé par la Juve… Je voulais donc lui parler d’un grand espoir de l’OM, Joakim Kada. On a discuté de l’avenir. Le championnat de Joakim est à l’arrêt, c’était le moment de faire un point. Mais ce n’est pas le seul à faire du bon travail selon moi : Luis Campos (Lille), Reda Hammache (Nîmes) ou Bruno Carotti (Montpellier) font un boulot énorme avec peu de moyens.
Saison en dents de scie pour l’OM, supporters exigeants, comment on travaille avec Marseille quand, comme toi, on prépare l’avenir de jeunes joueurs ?
O.S. C’est vrai que la pression est forte sur l’équipe première. Les joueurs de la réserve, Joakim Kada en l’occurrence, savent que s’ils sont appelés par Villas-Boas, ils devront faire face aux critiques, à la pression. Les côtés positifs : une ambiance folle, une exposition très forte. Marseille est un environnement compliqué. Un jeune espoir « moyen » n’aura pas les épaules pour signer pro ici.
Je prends l’exemple de Marley Aké (NDLR : attaquant de l’OM de 19 ans). Mon mentor, Patrick Mendy, l’a aidé à franchir les étapes, à jouer en Ligue des Champions, à capter le positif d’un Vélodrome plein. Il sait qu’il doit être prêt à évoluer dans une pression différente qu’à Bordeaux ou à Metz, sans leur faire offense.
Faut-il être accompagné d’un mentor pour réussir ?
O.S. C’est vrai que « Touti » Mendy m’a fait gagner du temps, de l’expérience, du réseau. Merci à lui de partager son vécu avec moi, de me raconter ses réussites et ses échecs. J’apprends plus vite, c’est un atout.
« Être honnête »
Justement, le mercato d’hiver arrive, un mercato attendu après une année difficile due à la Covid-19 ?
O.S. Le mercato de janvier n’est qu’un mercato d’appoint, d’opportunités, pour réparer les choses. J’ai la chance de ne pas trop avoir besoin de faire de mouvements à ce moment-là. Il s’agit souvent de combler un manque, trouver un concurrent à un attaquant en difficultés ou faire face à une blessure longue durée. Pour un joueur qui joue moins, ça peut être le moyen de le prêter afin d’avoir du temps de jeu.
Moi, je prépare l’été prochain dans l’intérêt de mes joueurs : Le défenseur Yanis Hamache brille à Boavista Porto, il a notamment marqué face au Benfica. Il était prêté la saison dernière en National, au Red Star. Mais Nice ne comptait pas sur lui ce été, trop de concurrence à son poste. Je l’ai proposé en Ligue 2 : bizarrement, manque d’intérêts. À l’étranger, beaucoup plus. Aujourd’hui, il est très bon à Porto, sa côte est haute. Il faut désormais anticiper la suite.
« Des choix sportifs, et non financiers »
Comment vous travaillez ?
O.S. Les lundis, je regarde les matchs de mes joueurs que je n’ai pas vus le week-end. Tous les matins, je lis l’actualité, je scrute tous les mouvements, tout ce qui se passe. Je passe mes coups de fil aux recruteurs, scouts, à mes joueurs. J’utilise Wyscout bien sûr. Je travaille avec Touti Mendy, en contrat avec Bafé Gomis, Bouna Sarr ou encore Bryan Dabo, et je m’occupe aussi de 3 joueurs professionnels, au Portugal, Angleterre et Belgique. Yanis Hamache (Boavista), Julien Dacosta (Coventry) et Kouadio-Yves Dabila (Mouscron).
Et avec 4 espoirs : Joakim Kada (OM), Enji Ali Said Baco (Metz), Noa Mupemba (Laval) et Yannick Padilla (Laval). À la différence de certains, j’ai fait le choix d’avoir un nombre de joueurs restreint. Un week-end ne dure que 2 jours et je veux aller les voir régulièrement. Je refuse de les suivre de loin et je ne cherche pas l’argent à tout prix. Par exemple, Kouadio-Yves Dabila, sur qui Christophe Galtier ne comptait pas trop à Lille. Je pouvais toucher une commission en Ligue 2. On a décidé de le prêter en Belgique, à Mouscron en première division, un club partenaire de Lille, pour qu’il poursuive son évolution.
C’est un choix sportif, et non financier. Beaucoup font l’inverse. Être honnête avec mes joueurs, c’est important pour avancer. Ils ont assez de gens dans leur entourage ou sur Instagram pour leur dire qu’ils sont les meilleurs. Ce n’est pas mon rôle. L’objectif commun est de réussir.
Comment imagines-tu le football de demain, celui de l’après Covid-19 ?
O.S. Je pense vraiment que sur les 2 ou 3 prochaines années, il y aura une baisse des salaires et aussi une réduction des effectifs. Je ne pensais pas -car il y a toujours plus de matchs-, mais c’est la réalité économique qui va l’emporter. Il y a eu trop d’amateurisme avec le contrat MediaPro, ce qui met en difficultés tous les clubs. Ils veulent vendre pour acheter, mais personne n’a vraiment les moyens d’acheter. Je suis donc assez pessimiste pour les prochains mercatos.
Zone technique
Ousmane Sall, profession: Agent
Né le 12 juillet 1988, à Montpellier
Gestes techniques préférés : Le double contact de Ronaldinho, que je ne sais pas faire… (sourire)
Idoles de jeunesse : Zinedine Zidane et Ibrahim Ba ! Lorsqu’il brillait au Milan. Les origines sénégalaises…
Thibaud Vézirian. Rédacteur en chef.
Journaliste, présentateur, chroniqueur et producteur… Vous pouvez me retrouver sur La Chaine L’Équipe, CNews et sur ma chaine YouTube T.V. Sport.