Damien était un espoir du football nordiste. Footballeur de talent, il a fait ses classes dans les rangs de Boulogne-sur-Mer, qui évoluait alors en Ligue 1 et Ligue 2. Il aurait pu percer, comme beaucoup d’autres. Mais pour Damien, le rêve de devenir footballeur professionnel a viré au cauchemar. Berné par deux agents de joueurs de football qui ont fait fuir Valenciennes, il a laissé passer la chance de sa vie. Il le dira d’ailleurs de lui même « Des agents de joueurs ont brisé ma carrière ». Il dit ne rien regretter, être heureux des rencontres que cette expérience lui a permis de faire. Disons qu’il s’en contente, contraint et forcé.
Pour agentfootball.fr, il se livre sans retenue et raconte son parcours semé d’embûches. Un témoignage riche en émotions et en conseils en tous genres. A lire absolument.
Sa formation, pleine d’espoirs, à Boulogne-sur-Mer.
« J’ai fait toute ma formation en club pro à Boulogne-sur-Mer (en Ligue 1 et Ligue 2, ndlr) de 15 à 19 ans. J’ai connu tous les championnats nationaux : 14, 17 et 19 ans et j’étais même capitaine en 17 nationaux. A l’époque, je passé les tests pour entrer au pôle espoirs de Liévin, ils sélectionnent les 20 meilleurs joueurs de la région pour entrer en 4e et 3e. Je n’ai pas été retenu, la plupart jouaient déjà à Lens, Lille ou Valenciennes. Donc je suis allé en sport-études à Montreuil-sur-Mer : les jeunes de Boulogne-sur-Mer étaient là-bas, c’est comme ça que j’ai été recruté l’année d’après. J’étais suivi par le RC Lens : Mr Dubois, directeur du centre à l’époque, ainsi qu’Hervé Arsène, entraîneur, étaient venus voir mes parents pour des renseignements, prise de contact etc… Cela a duré un an mais cela ne s’est pas concrétisé donc j’ai choisi Boulogne ».
Démarché par des agents de joueurs à 17 ans.
« J’ai commencé à être pas mal était sollicité par différents agents de joueur quand en 17 nationaux car j’étais capitaine et on jouait contre les plus grands clubs français : PSG, Lille, Lens, Rennes… Plusieurs d’entre eux m’ont interpellé. Ils venaient me voir après les matchs. J’étais jeune, loin de chez moi, je ne savais pas quoi faire. Comment j’ai fait mon choix ? J’ai pris un agent sportif qui s’occupait déjà d’un de mes amis. Mais lui était déjà pro. Avec le recul, je me rends compte que ce n’était pas la bonne solution. Il m’a abordé après un match dans la région parisienne, on a un peu parlé, échangé nos coordonnées. Ensuite on s’est appelés et s’est vus pour signer un contrat de 2 ans. C’était à Lille, au Novotel derrière la gare. Le contrat était de 2 ans renouvelables avec toutes les conditions que je devais respecter et les siennes aussi ».
Pourquoi vous en êtes-vous séparé ?
« La première année, tout a été nickel. Il m’appelait souvent, on se voyait, aucun souci. Par contre, l’année d’après, grand changement. J’avais besoin de lui car avec Boulogne, on avait été rétrogradés en 19 DH je ne me voyais pas jouer en DH alors que j’étais en nationaux cette année-là… Je le sollicitais souvent mais il ne me répondait pas ou beaucoup plus tard car mon agents était « trop occupé » avec ses joueurs pros. Il m’a quand même trouvé un essai en réserve pro à Courtrai, en Belgique. J’y suis allé 3 semaines, j’ai joué au Stade du Roi Baudouin contre Anderlercht. L’essai a été concluant mais j’avais peur de me perdre en Belgique. Les semaines passaient et j’avais toujours très peu de nouvelles de mon agent. Un autre m’a alors appelé pour me proposer d’aller à Sedan. Je n’ai rien dit au premier car il ne faisait rien pour moi. L’essai n’a rien donné. Une semaine plus tard, mi-juin, le directeur du centre de formation de Boulogne m’annonçait qu’il se séparait de moi. Je n’ai jamais su la raison. Ont-ils su pour Sedan ? Je ne le saurai sans doute jamais ». ».
« Ils voulaient juste se faire un billet sur mon dos. »
Deux agents de joueurs … qui font fuir Valenciennes.
« J’étais super déçu, j’ai pris un gros coup sur la tête. Je ne savais pas quoi faire ni où aller. J’ai fait marcher mon réseau ainsi que celui du deuxième agent et je suis parti à Avion en 19 nationaux. N’étant plus attaché à un club pro, j’avais encore la chance d’être repéré par un autre. En fin de saison, je suis parti à Valenciennes pour un essai. C’était encore une action du deuxième agent qui m’a demandé de casser mon contrat avec le premier et faire une lettre de médiation pour que le contrat s’annule. Il a très mal réagi. Quand je suis allé à Valenciennes, j’étais encore sous contrat avec lui. Il a débarqué durant mon essai, donc les deux agents de joueurs étaient là. Le directeur du centre de formation n’a pas voulu faire d’histoires, il a mis fin à l’essai et n’a pas donné suite. Deuxième coup sur la tête ».
Retour à la réalité : la DH et le lycée.
« J’ai fait des essais, à Dijon, Gravelines… Deux autres agents de joueurs sont venus me voir : l’un avait discuté avec mon père mais ne possédait pas de licence ; l’autre venait d’Allemagne et m’a laissé sa carte. Il n’y a pas eu de suite. Je commençais à en avoir marre de tout ça. Ils ont brisé ma carrière. Et plus encore. J’ai loupé le BAC, le rattrapage, le permis… Beaucoup de portes se sont fermées. J’ai alors signé au Touquet, en DH, sur la côte d’Opale. Je me suis réinscrit au lycée. Le retour sur terre a été difficile. Je voyais des potes percer et réaliser leur rêve, MON rêve : devenir pro. Je me suis remis dans les études, j’ai eu mon bac et j’ai été pris en école de commerce sur Lille. J’ai eu mon permis et tout s’est enchainé. Mentalement, à ce moment-là, j’étais très fort. Ces épreuves m’ont permis de grandir. Je suis fier de tout ce que j’ai fait depuis ».
« Des pseudo – agents de joueurs beaux parleurs, j’en ai rencontrés trop »
« A la fin, j’étais devenu un bout de viande parmi les agents sportifs… Ils voulaient juste se faire un billet sur mon dos. Ils te retournent le cerveau. Des beaux parleurs, j’en ai rencontrés trop. Il ne faut pas se voir arrivé parce qu’on a un agent. Mais j’étais jeune, je n’avais envie que d’une chose : réussir et prouver à mon père que je pouvais le faire. Il croyait en moi. Il me conseillait, essayait de m’aider, mais il était loin de moi. De cette aventure, je retire du bon et moins bon mais cette expérience n’est pas donnée à tout le monde. Le football m’a inculqué des valeurs, une éducation et c’est ce que j’essaye d’apprendre aux petits que j’entraine aujourd’hui ».
« Je me dis que ça aurait pu être mieux car beaucoup de mes amis ont percé et sont pros. »
Et maintenant, que faire ?
« Mon avenir professionnel ? Je voudrais un poste avec beaucoup de responsabilités comme manager, directeur commercial, manager d’une marque ou être auto-entrepreneur et à côté de ça, jouer à un niveau assez raisonnable. Aujourd’hui, j’arrive à faire mes études (dans le sport), à entraîner, passer des formations pour être éducateur sans payer (le club me finance) et jouer à un niveau raisonnable. Et surtout, j’ai un CDD de 2 ans avec le club d’Armentières, cela me permet de vivre du foot pour l’instant. Toutes ces confidences me rappellent mon passé. Je me dis que ça aurait pu être mieux car beaucoup de mes amis ont percé et sont pros, surtout ma génération (1993) : Varane, Digne, Thorgan Hazard etc… Il y a aussi Junior Malanda, ex-joueur de Lille et Wolfsburg, qui avait percé mais est décédé récemment dans un accident de voiture. Un super ami, vraiment. Finalement, je ne m’en sors pas trop mal, la vie est faite d’étapes et de choix. J’ai eu la chance de rencontrer des gens extraordinaires qui sont devenus de vrais amis. Je ne regrette rien ».